Dans une contrée imaginaire, nichée entre des montagnes translucides et des vallées couvertes de brume, les habitants vivaient selon un rythme étrange où le temps semblait se plier à leurs émotions. Les saisons ne suivaient pas le calendrier, mais les humeurs collectives : un éclat de joie pouvait faire fleurir les arbres en plein hiver, tandis qu’une vague de mélancolie plongeait tout le village dans une pluie interminable. Les anciens racontaient que ce phénomène provenait d’un pacte oublié avec les étoiles, un accord qui liait la nature au cœur des hommes.
Au centre de ce monde se dressait une bibliothèque infinie, dont les rayonnages s’étendaient au‑delà de la vue et contenaient des livres qui s’écrivaient d’eux‑mêmes. Chaque habitant pouvait y trouver un volume relatant sa propre vie, mais toujours avec une page d’avance, comme si l’avenir se dévoilait en filigrane. Certains s’y rendaient chaque matin pour découvrir ce qui les attendait, d’autres préféraient ignorer ces prédictions, craignant que la connaissance du futur ne les prive de liberté. Les gardiens de la bibliothèque, silencieux et vêtus de manteaux de poussière, veillaient à ce que nul ne déchire ni ne modifie les pages, car toute altération se répercutait immédiatement dans la réalité.
Et pourtant, malgré cette étrange harmonie entre destin et choix, une rumeur persistait : celle d’un livre interdit, caché dans les profondeurs de la bibliothèque, qui ne racontait pas une vie individuelle mais l’histoire entière du monde. On disait que celui qui l’ouvrirait verrait se dérouler la fin des temps, non comme une prophétie mais comme une certitude. Les plus courageux rêvaient de le trouver, persuadés qu’ils pourraient changer le cours des choses, tandis que les plus sages affirmaient qu’il valait mieux ne jamais chercher à savoir. Ainsi, la contrée vivait suspendue entre curiosité et prudence, avançant dans un équilibre fragile où chaque souffle pouvait réécrire l’univers