Accueil > Les Îles > Article n°26

Les Îles-de-la-Madeleine : Histoire, Luttes et Avenir

À l’émission Femme d’aujourd’hui du 11 février 1970, l’animatrice Aline Desjardins nous raconte l’histoire des Îles-de-la-Madeleine intimement liée à celle de l’Acadie. Le reportage revient aussi sur la rude vie des habitants des Îles vers les années 1800. Enfin, on s’intéresse au salut économique des Îles qui repose, dit-on, sur l’intensification de la pêche tant au large que sur les côtes et sur le développement d’une industrie touristique.

Chapitre 1 : Les origines et le peuplement des Îles

Les premiers visiteurs et le baptême des Îles

Les quelques historiens qui se sont penchés sur le passé des Îles-de-la-Madeleine semblent s’accorder sur un point : bien avant l’arrivée de Jacques Cartier, le véritable découvreur officiel, cet archipel fut visité par des Autochtones, des Scandinaves et des Français de passage.

D’abord surnommées « Îles Brion » par Jacques Cartier, puis « Îles Arames » par les pêcheurs bretons, basques et normands, ce n’est que vers 1663 qu’elles reçoivent leur nom actuel. François Doublet, concessionnaire des Îles, les baptisa ainsi en l’honneur de sa femme, Madeleine Fontaine.

L’arrivée des Acadiens

Le peuple madelinot, composé de pêcheurs et de chasseurs de loups-marins depuis près de trois siècles, est presque entièrement formé des descendants des déportés de Grand-Pré.

L’histoire retient que le premier peuplement stable et significatif des Îles-de-la-Madeleine eut lieu en 1789. Il fut le fait de 250 familles acadiennes, initialement déportées aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Fuyant de nouveau, elles prirent la mer en bateau au cours d’une nuit et débarquèrent sur les rives des Îles-de-la-Madeleine pour s’y établir définitivement.


Chapitre 2 : Une histoire de lutte et de foi

La lutte pour l’indépendance

Dès leur arrivée, une longue période de difficultés commence. Ce fut une lutte âpre et dure contre la tyrannie des seigneurs, la dictature des administrateurs et le monopole des commerçants. Les Madelinots durent mener un combat de chaque jour, fait de résistance passive, de persécutions et d’humiliations, pour éviter d’être dépossédés de leurs terres et de leurs maisons.

Un historien a d’ailleurs résumé l’histoire des Îles en une phrase :

Le long et l’héroïque effort d’un petit peuple pour son indépendance économique.

La foi comme pilier

À travers ces luttes incessantes, une foi profonde s’est ancrée dans la population. Le Père Landry, curé de Havre-Aubert, décrit ainsi la spiritualité des insulaires :

Je crois sincèrement que les Madelinots sont profondément religieux.
 
Les pêcheurs et les navigateurs sont des hommes qui, chaque jour, font face aux dangers réels de la mer. Même s’ils travaillent très dur, ils ont aussi du temps pour réfléchir, notamment lorsqu’ils passent des nuits à la barre ou à la surveillance de leur navire.
 
Confrontés aux obstacles et côtoyant constamment le danger, ils réfléchissent beaucoup.
Ils développent ainsi une philosophie de la vie très particulière qui les marque profondément.

Chapitre 3 : La vie aux Îles : le rôle des femmes

Si les hommes ont développé une philosophie propre au contact de la mer, les femmes des Îles présentent une véritable figure de pionnière, marquée par un dur labeur quotidien, la gestion de la famille, des enfants et l’isolement.

L’ingéniosité face à la pauvreté

Il y avait des années de bonnes pêches où l’on réussissait à vendre le poisson, mais il y avait aussi des années de grande pauvreté. Les femmes faisaient preuve d’une immense débrouillardise en toutes circonstances.

  • Il fallait qu’elles fabriquent des vêtements avec presque rien.
  • Les métiers à tisser étaient très utilisés.
  • On récupérait les vieux tissus, on les ébouillantait, on les filait pour en faire de nouveaux tissus qui servaient à fabriquer vêtements et sous-vêtements.
L’autosuffisance

C’était la même chose pour les chaussures. On faisait ce qu’on appelait des « bottes sauvages » et des « souliers sauvages » avec des peaux d’animaux.

Pour la nourriture, il y avait heureusement de quoi faire aux Îles. On cultivait des petits jardins, on élevait des animaux et il y avait le poisson. Les femmes participaient même à la pêche en allant chercher « la coque » (des mollusques) en bas de grève, qui servait d’appât pour les pêcheurs.

Les femmes travaillaient énormément. Cela ne veut pas dire que les hommes ne travaillaient pas, mais il était particulièrement difficile d’aménager le foyer et de donner aux enfants tout le nécessaire sans qu’il en coûte, car il n’y avait pas d’argent qui circulait.


Chapitre 4 : Les Îles modernes et leur avenir

L’intégration au Québec

Bien qu’insulaire et longtemps tenue à l’écart de l’industrialisation poussée, la population des Îles-de-la-Madeleine a su s’insérer dans l’évolution sociale, culturelle et spirituelle du Québec. De l’avis de plusieurs Madelinots, les médias d’information ont grandement contribué à cette évolution.

Aujourd’hui, la population des Îles veut être considérée comme québécoise et canadienne à part entière. Elle estime en avoir le droit, d’autant plus que nulle part ailleurs au Québec il n’existe un milieu de pêche aussi richement pourvu en ressources.

Si les différents gouvernements semblent l’avoir compris, la population attend des réalisations concrètes pour y croire pleinement.

L’avenir économique : pêche et tourisme

La question que tous se posent est : quel est l’avenir des Îles-de-la-Madeleine ?

Monsieur Philippe Morel-Beauchesne, alors surveillant de district pour le ministère des Pêches et Forêts, apporte des éléments de réponse :

Au moment où le BAEQ (Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec) a été formé, il a mené une enquête sur les Îles-de-la-Madeleine. La décision fut prise d’intensifier la pêche à tous points de vue, aussi bien la pêche hauturière que côtière, car les Îles dépendent uniquement de cela pour vivre.

L’agriculture, qui a déjà existé, est aujourd’hui quasi-inexistante. Les jeunes ne sont plus intéressés et les anciens ne le peuvent plus. Il y aurait pourtant place pour un certain développement agricole pour ceux qui seraient intéressés.

L’avenir repose donc sur l’intensification de la pêche, mais aussi sur le développement du tourisme. C’est un axe très important ; il faut que les Îles-de-la-Madeleine implantent le tourisme ici même.


Source : Femme d’aujourd’hui, 11 février 1970
Animatrice : Aline Desjardins

En savoir plus : archives

par Madelinot.ca | samedi 29 juin 2024